Notice biographique de Bernard Mottez


1930 Bernard Mottez naît le 22 novembre à Sainte Colombe sur Seine (Côte d’Or).
1953 Licence de philosophie.
1954 DESS de philosophie sur le choix professionnel. Ses travaux s’inscrivent dans le cadre d’une recherche sur la mobilité sociale que mène Alain Touraine au Centre d’études sociologiques.
1954 et 1955. Vacataire à l’Institut des sciences sociales du travail. Participe à la recherche sur la sidérurgie lorraine : « Les travailleurs face au changement technique », sous la direction de J. D. Reynaud et A. Touraine.
1955 et 1957. Service militaire (Allemagne, France, Maroc, Algérie).
1958 Mariage avec Dora Guerra, d’origine salvadorienne, qui s’impliquera plus tard dans le mouvement pour la reconnaissance de la langue des signes (cf. année 1984).
Création du Laboratoire de sociologie industrielle par Alain Touraine. Mottez y participe. Ses recherches sont centrées autour de la sociologie du travail, spécifiquement sur l’histoire des systèmes de rémunération.
1959 Participe à la création de la revue Sociologie du travail où il publie plusieurs articles et réalise les comptes rendus jusqu’en 1968. Membre du comité de rédaction en 1966, il s’en retire définitivement en 1972.
1960 Naissance de son premier enfant.
Stagiaire au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), attaché en 1961, chargé de recherche en 1963 et maître de recherche en 1975.
1961 à 1964. Chargé de cours à l’Institut d’études psychologiques et psychosociales de l’Université de Bordeaux, cours sur « L’histoire du mouvement ouvrier ».
1963 Doctorat de troisième cycle en sociologie à la Sorbonne, thèse dirigée par G. Friedmann.
1964 Naissance de son deuxième enfant.
Et 1965. Cours au Centre des sciences humaines appliquées de la Faculté de lettres et sciences humaines de Paris, sur le thème « Les problèmes actuels du syndicalisme ».
1966 Publication du livre Systèmes de salaire et politiques patronales. Essai sur l’évolution des pratiques et des idéologies patronales, Éditions du CNRS, 266 p. (Résultat de sa thèse. Traduction espagnole, Editorial Nova Terra, 1971).
1966 et 1967. Est détaché à Santiago du Chili au titre de la coopération technique comme conseiller du ministre de travail, W. Thayer, du gouvernement d’Eduardo Frei Montalva. Il a pour tâche de créer un Institut de recherches en sciences sociales du travail. Peu après son départ, naît l’Instituto de Estudios Laborales (rattaché à un futur Conseil Supérieur du Travail qui ne verra jamais le jour). Devient en même temps professeur invité à la FLACSO (Faculté latino-américaine de sciences sociales) où il donne un cours de « Sociologie du travail et du mouvement ouvrier » et organise un séminaire de recherche.
1968 Cours à l’Institut des sciences sociales du travail sur « La sociologie de la rémunération ».
1969 Cours à l’École de Superintendants du Travail, d’ « Initiation à la sociologie du travail et des organisations ».
1970 Le Laboratoire de sociologie industrielle devient le Centre d’étude des mouvements sociaux. Les travaux de Mottez se centrent dès lors sur l’alcoolisme et les handicapés.
1971 Publication du livre La sociologie industrielle, Paris, PUF, 128 p. (trad. japonaise et espagnole en 1972 ; portugaise et arabe en 1974).
Dans le cadre de l’Institut national d’orientation professionnelle, anime un groupe de travail d’étudiants consacré à l’insertion professionnelle des débiles mentaux. L’année suivante, il anime un second groupe sur l’insertion professionnelle aux métiers d’aveugles.
1972 et 1973. Ses recherches sur le terrain le conduisent à fréquenter les bibliothèques et archives d’associations ou institutions qui se consacrent aux handicapés. Il s’intéresse aux paralysés, aux mutilés du travail, aux débiles, aux aveugles, aux sourds et, surtout, aux alcooliques. Il rédige un rapport sur « L’alcoolisme en milieu de travail » (CEMS, 140 p.), qui a pour fonction première de proposer au Haut Comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme des directions de travaux de recherche sociologique.
1973 Au cours d’un voyage d’étude en Suède, il approfondit ses recherches sur l’alcoolisme. D’autre part, il enquête sur la situation des sourds. À la suite de ce voyage, il rédige un projet ATP sur « La méthode des signes dans l’enseignement des sourds », son premier texte consacré aux sourds. Cette étude des mécanismes de production de l’image dépréciative et de l’exclusion sociale du sourd (sous le prétexte officiel de son insertion) est en même temps une contribution à l’étude du racisme.
1975 Rencontre avec Harry Markowicz, chercheur au Laboratoire de linguistique de l’université Gallaudet à Washington, dirigé par William Stokoe. Cette rencontre précipite son engagement dans le monde des Sourds. Dorénavant, ses recherches sont centrées sur les relations sourds-entendants, sur la langue des signes, la culture des Sourds et leur histoire.
Assiste au 7ème congrès de la Fédération mondiale des Sourds à Washington, États-Unis.
1975 1976. Au retour de son voyage aux États-Unis, rédige un rapport intitulé À propos d’une langue stigmatisée, la langue des signes, texte qui popularise les analyses des linguistes américains ; exhorte à tirer les leçons pour éviter les impasses dans lesquelles les Américains se sont mis avec l’anglais signé et propose, pour la première fois en France, le nom de langue des signes française qui sera bientôt adopté.
1976 Septembre. Arrivée de Harry Markowicz à Paris, venu travailler avec Bernard Mottez au Centre d’étude des mouvements sociaux (CEMS), grâce à un contrat de recherche du CORDES.
Novembre. Ouverture à l’Institut national de jeunes sourds de Paris, du premier cours de langue des signes en France, par J. Jouannic. Mottez compte parmi ses élèves.
1977 à 1986. Fondateur et rédacteur, avec Harry Markowicz pour les cinq premières années, de Coup d’Œil, bulletin sur l’actualité de la langue des signes en France et dans le monde. L’impact de Coup d’Œil s’explique par son rôle informatif, ses analyses de l’actualité, ses prises de position polémiques et l’organisation de séjours de chercheurs en France et à l’étranger. Coup d’Œil jouera un rôle de catalyseur dans le mouvement en faveur de la langue des signes. Diffusé dans une trentaine de pays, au moment de son arrêt le bulletin tire à 1200 exemplaires.
1977 à 1979. Avec Harry Markowicz, ouvre un séminaire de sociolinguistique, sur la langue des signes et la communauté des Sourds à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
1978 1979, 1981 et 1982, organise avec Harry Markowicz des stages d’été à l’université Gallaudet d’une trentaine de personnes (sourds, parents, professionnels). À la suite de ces stages, les participants décident de fonder les associations qui, telles l’Académie de la Langue des Signes et 2 LPE (Deux Langues pour une Éducation), joueront en France un rôle décisif dans les changements des années 80.
1980 à 1987, puis en 1989 et 1990. Chargé de conférence à l’EHESS.
1981 Publication du livre La surdité dans la vie de tous les jours, Paris, CTNERHI, diff. PUF, 104 p. (épuisé).
Retour de Harry Markowicz aux États-Unis.
1982 Séminaire de Mottez à l’EHESS, intitulé « Ethnographie de la communication. La communication entre sourds, la communication entre sourds et entendants ».
1984 à 1986. Dora Mottez participe à la commission en charge de l'accessibilité du futur musée des sciences du parc de la Villette. La « commission accessibilité » est créée à la demande de Paul Delouvrier, alors président de l'EPPGHV, l’organisme qui regroupe tous les sites situés sur le parc de la Villette, dont le futur musée des sciences. Paul Delouvrier affirme ainsi sa volonté politique de rendre le futur musée des sciences accessible à tous, y compris aux visiteurs handicapés. Il confie cette mission à Louis Avan. Celui-ci réunit autour de lui des associations de parents, des représentants de différents handicaps et, fait exceptionnel pour l’époque, des personnes elles-mêmes handicapées. Pour la première fois en France, s’engage ainsi une réflexion sur l'accès à la culture des personnes handicapées. Guy Bouchauveau et Dora Mottez y contribuent. À l'issue de ses travaux, la commission édite « la charte des personnes handicapées », dont la partie « public sourd » est rédigée pour l’essentiel par Dora Mottez. Une recommandation de la commission concerne l'emploi de personnes handicapées, qui se voit confirmée en mars 1986 par l’embauche du premier médiateur (au monde) en langue des signes, Guy Bouchauveau (sourd), de Cécile Guyomarc’h (interprète), et d'Hoëlle Corvest (aveugle).
1985 La contribution de Bernard Mottez dépasse les limites de la France. Il est invité au 2° Congrès des Sourds latino-américains à Buenos Aires, en marge duquel sont prises d’importantes décisions en matière de politique de la langue des signes. Il joue un rôle essentiel dans les orientations retenues.
1986 Enseigne à l’École nationale de la santé publique pour la formation des élèves-professeurs de sourds.
1988 Chargé de cours au SERAC (Sourds-entendants recherche, action, communication) pour la formation des interprètes LSF-français.
1989 Participe activement au festival de la culture sourde « Deaf Way » à Washington.
1991 Présente une partie de son travail sur les banquets de sourds-muets et l’origine du mouvement Sourd, dans le cadre du premier colloque organisé à Washington par l’Association internationale d’histoire des Sourds.
Octobre. Il est l’un des principaux organisateurs du colloque franco-américain sur la surdité à Paris.
Dans le cadre du CEMS et du CPSAS (Centre de promotion sociale des adultes sourds), il réalise un séminaire intitulé « Ce qui grince et grimace entre sourds et entendants », dernier de la série de ceux qu’il mène depuis des années à l’EHESS.
1992 De retour à Buenos Aires, il fait l’ouverture, une intervention et la clôture du Premier colloque latino-américain (Argentine, Brésil, Uruguay et Chili) sur l’éducation bilingue des enfants sourds, organisé par Graciela Alisedo. Partie créer en Argentine la première école bilingue pour enfants sourds, Graciela Alisedo avait participé au séminaire de Mottez à l’EHESS et était correspondante de Coup d’Œil.
1993 Entre le 16 octobre et le 23 décembre, séjour d’étude au Gallaudet Research Institute. Il poursuit ses recherches autour du vocabulaire (signes et mots) pour désigner les Sourds et les entendants, entamées dans son article « Les Sourds existent-ils ? ». Il s’intéresse aux problèmes des minorités à l’intérieur de la communauté sourde et des États-Unis. Il participe à des débats, donne des conférences et rencontre de nombreux chercheurs, étudiants et enseignants.
1994 Organise avec Carol Erting, un séminaire franco-américain sur le bilinguisme à Washington.
1997 Le 10 octobre, le Centre d’étude des mouvements sociaux, organise une journée d’étude consacré aux travaux de Mottez. Journée qui fera plus tard, l’objet d’une publication : L’expérience du déni. Bernard Mottez et le monde des sourds en débats, sous la direction de Pascale Gruson et Renauld Dulong, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1999.
1999 Reçoit la distinction de « meilleur promoteur entendant de la cause sourde » à la soirée des Mains d’Or organisée par l’Académie de la Langue des Signes Française.
2004 Juillet. Lors de l’université d’été à Poitiers, l’association 2LPE rend hommage à Bernard Mottez et annonce le projet de Michel Lamothe, de réédition de Coup d’Œil.
Le 20 novembre, l’association GESTES organise la conférence « Les sourds existent-ils ? Hommage à Bernard Mottez » à la Mairie du 9ème arrondissement de Paris. L’enregistrement vidéo devrait être prochainement mis en ligne par WEBSOURD.
2005 Depuis janvier, Bernard et Dora Mottez vivent au Salvador, Amérique Centrale.
Au cours de sa carrière, Bernard Mottez a participé aux travaux de diverses associations et revues : au comité de rédaction de la revue Sociologie du travail et de la revue Surdités, auprès du conseil d’administration de l’Académie de la Langue des Signes Française, de celui de GESTES (Groupe d’études spécialisé : thérapie et surdité), et d’ALTER (Association internationale d’histoire des infirmités).
Le 3 janvier 2009, décès de Bernard Mottez à San Salvador, El Salvador.

(Publiée dans Bernard Mottez, Les Sourds existent-ils ? Textes réunis et présentés par Andrea Benvenuto, Paris, L’Harmattan, 2006, pp. 373-378)


Message du CA AFILS du 10/01/09

Bonjour,
Nous, interprètes et services membres de l'AFILS, avons été très peinés à l'annonce du départ de Bernard Mottez. Sa gentillesse, sa douceur et son ouverture d'esprit en faisait un être humain d'exception. Sa clairvoyance et son esprit visionnaire doublaient cette humanité d'une intelligence hors du commun.
Bernard a levé le voile sur la communauté Sourde et en a montré sa richesse culturelle et humaine. En faisant cela et tant d'autres choses pour la communauté, Bernard a également favorisé l'éclosion et le développement du métier d'interprète français-LSF.
Aussi, bien que nous ne soyons pas une association de Sourds, l'AFILS serait-elle heureuse de faire partie des associations participant à la collecte de fonds. Pouvez-vous nous faire savoir si cela est possible et comment?.
Nous vous en remercions chaleureusement par avance.
Bien cordialement a vous.
Guylaine Paris,
Presidente de l'Afils
Message de Patrick Fourastié du 10/01/09

Bonsoir à toutes et à tous,
C’est pourtant une bien triste nouvelle qui me chagrine....
J'accepte à participer au Comité MOTTEZ , selon mes disponibilités .
C'est une véritable sortie de la nuit et du brouillard pour la communauté sourde de France, après le Congrès de Milan interdisant la pratique de la langue des signes.
Depuis les années 70, le sociologue de l'émancipation M.Bernard Mottez est le premier chercheur en France à s'être passionnément mobilisé sur la question de la langue et de la culture des Sourds sur l'exclusion sociale dont ils ont été mis et sont encore victimes et sur les perspectives d'une nouvelle convivialité entre sourds et entendants, il a mis tout en oeuvre pour faire connaître le mouvement sourd et pour l'amplifier.
Après avoir rencontré Harry Markowicy, linguiste américain, il a publié,en 1977, la revue " Coup d'Oeil " avec son ami pendant plus de 10 années de travail sur l'actualité de la surdité et il a participé à d'innombrables réunions, colloques et manifestations.
Et également, il est l’un des principaux organisateurs du Colloque Franco-Américain intitulé « Les Sourds dans la Société, Education et Accès » sous l'initiative de la Fondation de France en partenariat avec la Fédération Nationale des Sourds de France, en mi-octobre 1991, je suis frappé par le célèbre coup de gueule donné par le sociologue détestant voir la discrimination arbitraire des organisateurs entendants qui refusèrent laisser la parole aux sourds ayant envie de s’exprimer sur la liberté de choix des modes d’enseignement scolaire : oralisme ou éducation bilingue d’après la loi du 18 janvier 1991, je lui ai entièrement donné raison pour sa défense magistrale que je ne l’ai jamais oubliée ! .
Bernard a suivi, s'est penché, a observé, écouté de près le monde des sourds dans tous les horizons pour rédiger des centaines d'articles sur la question : " Les Sourds existent-ils ? " pour faire découvrir le monde des entendants. Il demandait toujours aux sourds : " Montrez-moi un signe ! ".
Son action humaniste n'est jamais oubliée pendant la période du réveil sourd.
De plus , il est bien venu à Orléans , le 2 mars 1985 pour donner sa conférence intitulée sur le film américain « Mon nom est Jonah » avec le pionnier de l'éducation des enfants sourds M.Jean-François Mercurio, regretté ami , sous l'égide de l'antenne 2 LPE-Orléans en partenariat avec la Maison des Sourds du Loiret (anciennement Club Abbé de l’Epée ), beaucoup de sourds et entendants orléanais étaient érmeveillés par cet exposé d’une très vive intelligence mais complète en détails sur l’Identité Sourde. (voir article Echo de Famille ci-joint ).
Au Revoir , notre cher Bernard et ses dons de " poète ".


Message de Armand Pelletier du 05/01/09
Je vous remercie de m'avoir informé , je me souviens bien ce qu'il a fait pour défendre aux sourds et c'est grâce en lui pour la LSF qu'il consacre.
Bien cordialement
Armand Pelletier
Message d'Aurélie Thaumoux-Crozat du 05/01/09
Comme tu dis que ses traces de travail ne disparaissent à jamais. Comme ceux qui écrivent ces mots très émotifs pour Bernard, cela me touche énormément et profondément.
Il se repose en paix.. Il était longuement malade.
En principe, nous pensons éternellement à Bernard. Nous ne l'oublions à jamais.
Merci, notre grand défenseur.
Tous mes condoléances à sa famille.